
Comment vivre en pleine conscience et pourquoi se (re)connecter au moment présent ?
On dit que les gens heureux sont des gens qui vivent dans le moment présent ; que seul l’instant présent est une réalité puisque le passé n’est déjà plus et que le futur n’existe pas encore ; qu’il faut apprécier ce qui est en train de se passer ici et maintenant, en profiter, mettre de la valeur dessus.
Mais dans ce cas, pourquoi le faisons-nous si peu !? Observez vos pensées et vous constaterez qu’elles vous emmènent en permanence soit dans l’analyse de ce s’est déjà produit, parfois avec une charge émotionnelle importante, soit dans la planification du futur, avec des échéances à tenir, des craintes peut-être aussi. Or, le passé est déformé par nos émotions et le futur par notre imagination. Et « l’instant présent », cette goutte de temps éphémère et précieuse, notre réalité, nous la traversons le plus souvent sans même y penser, en « pilotage automatique ».
Détachés de notre réalité, de cet instant présent si précieux, nous en subissons de multiples conséquences : stress bien sûr, mais aussi dépression à force de ruminer le passé et de ressasser les regrets, angoisses à s’inventer des peurs liées à notre futur, croyances limitantes qui nous font perdre confiance en nous, difficultés de concentration, troubles du sommeil (eh oui, cela nous poursuit même la nuit), etc.….
Nous ne pouvons pas exister uniquement dans le présent, bien sûr ! Nous avons besoin de nous référer à notre passé. Nous y puisons notre expérience, notre force, notre inspiration; et nous avons tout autant besoin rêver notre futur, pour avoir une chance de le réaliser. Les trois dimensions temporelles dans lesquelles notre esprit sait voyager nous sont toutes les trois indispensables. C’est juste une question d’équilibre. Mais dans notre vie à 100 à l’heure, il faut bien l’avouer, les moments où nous sommes dans la dimension du présent sont de plus en plus rares.
Est-ce que ce ne serait pas génial de pouvoir, de temps en temps, faire taire le bruit incessant des pensées qui s’agitent dans votre tête, de (re)devenir observateur du présent, sans les filtres déformant des émotions générées par vos expériences passées et vos craintes pour le futur ? Que ressentiriez-vous si vous pouviez enfin savourer tranquillement tous ces petits moments de bonheur que le quotidien distille et auxquels nous ne prêtons plus aucune attention ? Un beau lever de soleil, un repas avec vos proches, la douce sensation du soleil sur vos joues … ?
Mais comment faire pour couper le « pilotage automatique » ?

Vivre dans le présent, c’est avant tout être attentif, pleinement attaché, à ce qui vous entoure et à ce que vous faites, vivez et ressentez, là, maintenant, tout de suite. C’est l’attention qui est la clé pour couper le pilotage automatique !
En étant attentif, vous serez enfin réceptifs aux petits bonheurs du quotidien. L’attention vous permettra aussi de percevoir à nouveau vos propres besoins, le plus souvent réprimés, et ce que votre corps essaie de vous dire. Dans le burnout, par exemple, il est courant d’entendre les personnes touchées témoigner que ça leur est « tombé dessus » brutalement, alors qu’il y a bien sûr de nombreux signes avant-coureurs, qui se manifestent pendant des mois, parfois des années avant que la personne ne s’effondre, mais qui restent totalement ignorés. En revanche, les personnes qui ont appris à être un peu plus attentive dans leur quotidien sont non seulement plus heureuses mais aussi moins sujette à la dépression, aux angoisses ou au stress, ont un meilleur système immunitaire et de meilleures capacités de concentration. Sans oublier que l’attention peut avoir un effet antidouleur et même curateur (voir la méthode AORA développée par le Docteur Bodin)
Voici les cinq clés pour développer son attention à l’instant présent
- RESPIRER

Prendre le temps de respirer, c’est la base de tout et le seul moyen d’être centré sur soi-même, équilibré. Le souffle, c’est la vie, et toutes les disciplines soulignent l’importance de la respiration : la médiation, le yoga, les arts martiaux, les sports en général … Son importance se perçoit aussi dans ce que j’appellerai « les souffles réflexes », comme par exemple le soupir ou le bâillement. La science a montré que le soupir est un mécanisme biologique qui rétablit un équilibre respiratoire perturbé (par une émotion vive par exemple). Il va faire entrer de l’air dans les parties profondes de nos poumons et les empêcher de se rétracter lorsqu’ils ne sont pas assez gonflés. Et pourquoi donc ne sont-ils pas assez gonflés ?! Parce que nous ne prenons pas le temps de respirer à fond ! Nous soupirons environ 1 fois toutes les 5 minutes[1], sans même nous en rendre compte. Édifiant, non ?
- DÉVELOPPER LA CONSCIENCE DES PETITS DÉTAILS

En mode « pilotage automatique », nous sommes totalement déconnectés de notre environnement. Ne vous est-il jamais arrivé en voiture de vous tromper d’itinéraire parce que vous avez automatiquement emprunté la route que vous prenez quotidiennement pour aller à un autre endroit ? Et là tout de suite, sauriez-vous me dire sans réfléchir quels bruits vous entendez autour de vous, quelle odeur flotte dans la pièce où vous vous trouvez ? Se rebrancher à ce que nos sens sont en train de percevoir, là tout de suite, regarder les choses avec un niveau de conscience plus élevé, chercher les détails au-delà du regard banal, est un excellent moyen de revenir dans l’instant présent.
- METTRE LE FOCUS SUR LES SENSATIONS DU CORPS

Dans le prolongement du point précédent, il s’agit ici de prendre conscience des sensations que vous éprouvez dans votre corps : le contact du sol sous vos pas, la sensation du vent dans vos cheveux et sur votre visage, la petite raideur dans la nuque parce que vous êtes restés immobile trop longtemps, etc… En mettant le focus sur toutes ces sensations que vous transmettent les terminaisons nerveuses de votre corps, en les observant avec attention, même si elles sont inconfortables, vous serez forcément bien dans le présent !
- RALENTIR

Nos rythmes de vie modernes nous poussent à faire les choses de plus en plus rapidement. On mange trop vite, on roule trop vite, on écourte nos nuits, le moindre de nos geste finit par se faire en accéléré. Observez-vous : vous verrez que c’est vrai. Alors pour retrouver la respiration, la conscience des petits détails, les sensations du corps, il faut avant tout RA-LEN-TIR (voir Ralentir pour réussir de David Bernard)
- LUTTER CONTRE L’IMPATIENCE D’OBTENIR CE QU’ON VOUDRAIT ET DÉVELOPPER LA GRATITUDE POUR CE QU’ON A DÉJÀ

L’impatience, c’est l’illusion que demain sera mieux qu’aujourd’hui. Et cette impatience détourne notre esprit de l’instant présent au profit du « rêve » d’un demain meilleur. On se dit qu’on sera heureux quand…. au lieu d’être heureux maintenant. Or l’instant présent offre tant des choses à apprécier !Pratiquer la gratitude, c’est surtout en prendre conscience. S’efforcer d’être reconnaissant dans sa vie quotidienne vous fera apprécier le présent. Vous ne renoncerez pas pour autant à vos projets pour demain, mais vous apprendrez à attendre leur réalisation avec sérénité. C’est juste une question d’angle de perception.
Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais comment faire concrètement pour mettre ces principes en pratique ?
Eh bien, il faut y aller petit à petit. Et pour commencer, je vais vous proposer deux petites choses que vous pourrez mettre en place tout de suite, dès aujourd’hui :
1° Réservez-vous 2 minutes tous les matins (oui seulement 120 petites secondes) pour un exercice quotidien d’entraînement :
Comme pour un entraînement physique que l’on pratique régulièrement afin de développer ses capacités musculaires, vous allez développer votre capacité à être dans le moment présent, sans vous laisser distraire, ni faire plusieurs choses à la fois. Pour cela, vous allez vous entraîner à vous concentrer sur votre respiration.

Choisissez un endroit tranquille où vous ne serez pas dérangé et asseyez-vous confortablement (mais pas ne vous allongez pas, vous risqueriez de vous mettre à somnoler). Une fois bien installé(e), ressentez ce qui se passe en vous ; observez quels sont les endroits où vous ressentez votre respiration, dans les narines, dans la gorge, dans le thorax qui se lève et s’abaisse, jusque dans le ventre. Concentrez-vous sur l’endroit où vous la ressentez le mieux et efforcez-vous – pendant 1 à 3 cycles de respiration – de percevoir votre souffle en pleine conscience, de garder votre concentration sur la respiration. Je vous parlerai dans un prochain article des bienfaits de la cohérence cardiaque, une pratique de respiration particulièrement efficace. Mais pour l’instant, contentez-vous de respirer calmement, par exemple en inspirant sur 5 temps et en expirant sur le même nombre de temps. Vous verrez que cet exercice vous ramène immédiatement dans l’instant présent.
Vous pensez peut-être que tout cela est très banal, mais vous verrez que ce n’est pas si facile et que cela demande bien un petit entraînement. En effet, vous allez vous apercevoir qu’en pratiquant cet exercice, vous allez tout à coup entendre et ressentir tout un tas de choses, comme par exemple le bruit de la rue dont vous prendrez subitement conscience. Il y aura aussi toutes ces petites pensées qui vont essayer de détourner votre attention, pour vous rappeler ce coup de fil à passer tout à l’heure, cette tâche importante à ne surtout pas oublier, etc. Lorsque ces pensées surgissent, ne vous braquez pas, n’essayez pas de « faire le vide », laissez-les simplement passer et recentrez votre concentration sur votre respiration.
Si vous faites cet exercice régulièrement, vous serez de plus en plus attentif dans votre quotidien et en situation de stress, vous saurez comment faire pour vous recentrer sur vous-même, retrouver votre calme et votre concentration.

2° Instaurez une petite routine pour vous rappeler régulièrement dans votre journée de revenir dans le présent, lorsque vous en êtes distrait
Dans le rythme effréné de nos journées, nous n’avons pas toujours conscience à quel point nous nous détachons du présent et de notre environnement. Aussi, je vous suggère de mettre en place une astuce pour vous y ramener. Vous allez voir, ce n’est pas compliqué. Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un appareil doté d’une minuterie (aucune excuse : il y en a sur tous les smartphones).
Il vous suffira de régler votre minuterie sur une durée de votre choix (une heure, plus, moins, peu importe) et d’activer l’alarme. Le son de cette alarme va vous « réveiller » et vous inviter à reprendre contact avec le moment présent. A ce moment-là, prenez conscience de ce que vous étiez en train de faire, prenez quelques longues inspirations, levez-vous et faites quelques pas en vous concentrant sur ce que vous voyez, entendez, ressentez.
Faites cet exercice rapidement, pas plus de 2-3 minutes : cela ne doit pas devenir une contrainte. Mais renouvelez-le à intervalles réguliers. Vous verrez que l’air de rien, le fait de « réveiller » votre conscience régulièrement tout au long de la journée vous apportera de nombreux bienfaits (détente, meilleure concentration, satisfaction de rester en pleine conscience) et bientôt vous ne pourrez plus vous en passer.
Voilà deux exercices qui vont vous mettre « le pied à l’étrier » pour une vie plus « en conscience », davantage ancrée dans le présent. Mais ne vous arrêtez pas là. Le quotidien vous offre plein d’occasions de mettre en pratique les principes que je vous ai présentés dans cet article. Faites une petite balade autour votre pâté de maisons et sentez le vent sur vos joues, le sol sous vos pas, l’odeur de ce buisson fleuri au bord du chemin, souriez aux personnes que vous croisez, respirez en prêtant attention à votre souffle… Le matin au réveil, plutôt que de sauter du lit et de vous jeter dans l’action, offrez-vous quelques petites minutes pour vous étirer dans votre lit, fenêtre ouverte, fermez les yeux et écouter les bruits qui vous parviennent du dehors, observez ce que vous ressentez dans votre corps….
En fait, n’importe quand au cours de la journée, appuyez sur « pause » et…… regardez autour de vous, écoutez, laissez passer vos pensées parasites pour vous concentrer sur votre respiration et sur ce que vous livrent tous vos sens en éveil. Pas besoin de beaucoup de temps pour cela, mais cet « arrêt sur image » vaut vraiment le coup.

[1] Étude publiée par la revue Nature : The peptidergic control circuit for sighing. P Li, WA. Janczewski, K. Yackle, K. Kam, S Pagliardini, MA. Krasnow et JL. Feldman, Nature 2016